Soigner le reflux gastro-oesophagien naturellement

De très nombreuses personnes dans le monde souffrent de reflux gastro-œsophagien (RGO).

On parle de RGO lorsque le contenu de l’estomac remonte dans l’œsophage, provoquant une irritation de la muqueuse de l’œsophage par l’acide gastrique. Cela se manifeste généralement par une sensation de brûlure derrière le sternum, qui peut remonter jusque dans la gorge. Le reflux peut aussi se traduire plus insidieusement, par des douleurs thoraciques, des nausées, une lourdeur digestive ou encore des troubles affectant la sphère ORL et pulmonaire (écoulement nasal postérieur, angines, otites, toux sèches, asthme, bronchites…).

Le RGO chronique peut être très difficile à vivre au quotidien. Les personnes affectées tentent de se soulager par des traitements antiacides, dont les plus connus sont les « inhibiteurs de la pompe à proton » (IPP) (oméprazole, pantoprazole…). Ces traitements comptent parmi les plus prescrits en Belgique. En 10 ans, le nombre de patients sous IPP a plus que doublé, atteignant aujourd’hui plus de 20 % de la population (source : INAMI).

En cas d’atteintes sévères du système digestif (inflammation aiguë, ulcères…) , ces traitements, pris de manière ponctuelle, sont tout à fait opportuns et permettent une amélioration rapide des symptômes.

Là où le bât blesse, c’est que l’usage prolongé des IPP pour le traitement des reflux, même modérés, s’est généralisé. Des centaines de milliers de patients (près d’1 sur 3) en prennent de façon quasi continue toute l’année. (source : INAMI). Or, plus de 16.000 articles de la littérature médicale démontrent qu’ils ne font que soulager temporairement les symptômes sans résoudre la cause du problème. Pire, lorsqu’ils sont pris à long terme (plusieurs mois à plusieurs années), ils provoquent une dépendance en entretenant le mal qu’ils sont censés combattre. En outre, ils entraînent des risques d’autres effets secondaires sérieux : néphropathie, démence, infections gastro-intestinales, pneumonie, fractures osseuses et malabsorption de magnésium et de vitamine B12, pour en citer quelques-uns.

Ces risques liés aux IPP ont récemment été reconnus et communiqués par le monde pharmaceutique lui-même, conseillant de réduire leur usage au minimum nécessaire (Folia Pharmaceutica 43, nov 2016 – www.cbip.be).

Que faire alors, lorsqu’on est touché par le RGO de manière chronique ? Il est heureusement possible de combattre cette affection naturellement, par des aménagements aux niveaux de l’alimentation et du mode de vie, qui sont à la portée de tous et extrêmement efficaces.

Pour les personnes qui prennent des IPP depuis plusieurs années, il est également possible de se sevrer progressivement par des moyens naturels. Pour ce faire, il est souhaitable d’être accompagné et de ne pas arrêter le traitement brutalement, sous peine de voir réapparaître les symptômes de manière plus sévère qu’auparavant.

Qu’est-ce qui cause le reflux ?

les reflux acides surviennent généralement lorsque le sphincter inférieur de l’œsophage se détend de façon inappropriée, permettant à l’acide gastrique de remonter vers l’œsophage, ce qui provoque douleurs et inflammation.

Plusieurs facteurs peuvent favoriser ce relâchement du sphincter, mais, contrairement à la croyance populaire, c’est rarement l’excès d’acide gastrique (hyperchlorhydrie) qui déclenche le reflux.

En réalité, c’est même souvent le contraire : les brûlures d’estomac sont souvent le signe que le corps produit trop peu d’acide chlorhydrique (hypochlorhydrie). Le Dr Wright, dans son ouvrage « Why Stomach Acid is Good for You » affirme même que 90% de ses patients atteint de RGO souffrent d’hypochlorhydrie (insuffisance d’acidité gastrique).

Or, il est tout à fait normal et vital que l’estomac soit très acide. C’est notamment l’acide chlorhydrique qui permet de décomposer convenablement les protéines. Il stimule aussi la production d’enzymes digestives par le pancréas et la libération de bile par la vésicule afin de permettre une bonne digestion et une absorption optimale des nutriments. L’acidité du milieu gastrique est également essentielle pour détruire les virus, bactéries ou champignons potentiellement pathogènes dans le bol alimentaire.

A l’inverse, des taux réduits d’acidité perturbent la bonne digestion et la bonne absorption des nutriments. L’arrivée dans l’intestin de fragments de protéines et de glucides insuffisamment digérés favorise le déséquilibre du microbiote intestinal et la prolifération d’agents pathogènes. Ceux-ci, en se multipliant, produisent un volume important de gaz qui augmente la pression intra-abdominale et comprime le sphincter œsophagien, favorisant le reflux.

Par ailleurs, plusieurs études récentes mettent en évidence l’importance de l’équilibre du microbiote de l’œsophage dans la prévention des effets négatifs du reflux. Le déséquilibre entraîne, comme pour l’intestin, une hyperperméabilité de la muqueuse favorisant l’entretien de l’inflammation et les douleurs.

Voilà qui est intéressant ! Si l’on donne des IPP à des personnes qui souffrent d’hypochlorhydrie, on ne fait donc qu’exacerber le problème en diminuant encore l’acidité de l’estomac et en perturbant davantage le microbiote digestif, même si cela peut temporairement soulager les symptômes du reflux. C’est ce qui explique l’effet rebond fréquent à l’arrêt du traitement et le risque de dépendance qui peut s’installer.

Souffrez-vous d’hypochlorhydrie ?

Le test du bicarbonate de soude est une première approche qui peut mettre sur la voie d’une éventuelle hypochlorhydrie, qui, le cas échéant, pourra être confirmée par des examens médicaux..

Au lever, à jeun (pendant 5 jours d’affilée): buvez un verre d’eau additionnée d’¼ de c à c de bicarbonate de soude. Cette base va réagir au contact de l’acide en produisant du gaz (CO2) : plus votre estomac est acide, plus vous aurez une éructation rapide et puissante (et inversement). Chronométrez le temps que met à venir votre première éructation:

  • 1 à 2 minutes : situation normale
  • plus de 2 minutes : hypochlorhydrie probable
  • plus de 5 minutes : hypochlorhydrie quasi certaine

Le RGO est la plupart du temps multifactoriel

L’hypochlorhydrie n’est bien entendu pas le seul facteur impliqué dans les RGO. D’autres éléments favorisants peuvent être mis en évidence par des examens médicaux dont notamment :

  • La hernie hiatale: une portion de l’estomac remonte à travers le hiatus œsophagien, une petite ouverture située dans le diaphragme.
  • L’infection à Helicobacter pylori (H. Pylori) : cette bactérie, qui est présente dans le microbiote de 50% des humains, peut favoriser l’inflammation et les ulcères lorsqu’elle se développe de manière disproportionnée. Cette prolifération peut être favorisée par une alimentation déséquilibrée, le stress ou par le fait de la diminution (spontanée ou forcée) de l’acidité de l’estomac.
  • Les allergies et/ou intolérances alimentaires peuvent également perturber la digestion et le microbiote et favoriser les remontées acides.

Quelles solutions naturelles en cas de reflux ?

Qu’ils proviennent d’un excès ou d’un manque d’acidité de l’estomac, ou d’autres causes, quelques ajustements au niveau de l’alimentation et du mode de vie peuvent aider à résoudre le problème naturellement, de façon sûre et efficace.

Alimentation et mode de vie

  • Favoriser une alimentation variée, de type méditerranéen

Ce type d’alimentation aide à la fois à limiter les agresseurs potentiels du système digestif et à renforcer les défenses antioxydantes et anti-inflammatoires de l’organisme. Elle contribue en outre au bon équilibre du microbiote intestinal. Idéalement, l’alimentation doit être la plus diversifiée possible et faire la part belle aux aliments « vrais », bruts et non transformés, exempts d’additifs et de polluants.

Aliments à favoriser

  • Les végétaux dans leur ensemble (légumes et fruits frais entiers colorés, légumineuses, oléagineux, céréales complètes…), riches en vitamines, minéraux, antioxydants et polyphénols ainsi qu’en fibres prébiotiques favorisant le développement des bactéries intestinales bénéfiques. Les légumes doivent idéalement représenter au minimum la moitié de l’assiette à chaque repas.
  • Les aliments lactofermentés (kéfir, choucroute, pain au levain, yogourt …) riches en probiotiques bénéfiques pour le microbiote.
  • Les aliments riches en acides gras essentiels oméga 3 anti-inflammatoires (petits poissons gras, œufs fermiers avec jaune coulant, huile de colza, noix, graines de lin, de chia et de chanvre moulues…) ainsi qu’en oméga 9 (huile d’olives, amandes, avocat…)

Aliments à éviter

  • les produits industriels et ultra-transformés
  • les glucides raffinés à index glycémique élevé (pain blanc, farines blanches, pâtes blanches, sucre blanc…)
  • Les produits laitiers, surtout non fermentés
  • Les produits riches en blé moderne et en gluten
  • Les excitants comme le café, l’alcool, les boissons gazeuses
  • L’excès de chocolat
  • L’excès de sel et les épices agressives (piment, poivre)
  • L’excès de protéines animales, qui favorisent la dysbiose.
  • Identifier les aliments déclencheurs de reflux

Certaines intolérances alimentaires individuelles peuvent favoriser le reflux. Tenir un journal peut aider à identifier les déclencheurs.

Bien qu’on puisse être intolérant à de nombreux aliments, le lait et le gluten font partie des « coupables » fréquents. Il peut être salutaire de les éviter totalement le temps que les symptômes s’améliorent.

Outre le gluten et le lactose, Il est parfois nécessaire d’adopter une diète sans FODMAPs (glucides fermentescibles) pendant quelques semaines (voir dossier BIOINFO n°202 d’octobre 2020), puis de les réintroduire progressivement afin d’identifier ceux qui sont moins bien tolérés.

Une sensibilité aux aliments riches en histamines ou histamino-libérateurs (fromages fermentés, conserves de poisson, gibier…) peut également être impliquée dans le reflux.

  • Favoriser une bonne digestion

La bonne digestion dépend notamment d’une bonne salivation et d’une production enzymatique optimale.

Cela commence par manger dans le calme, en pleine conscience et bien mastiquer.

Pour favoriser une bonne acidité de l’estomac et une action enzymatique efficace, vous devez consommer des aliments crus régulièrement. Commencez les repas par des crudités arrosées de jus de citron ou vinaigre de cidre bio ou par des jus de légumes maison.

Il est également nécessaire de bien s’hydrater, entre les repas plutôt qu’en mangeant.

 

  • Eviter les repas copieux

L’excès de pression intra-abdominale ralentit la vidange gastrique et favorise l’ouverture anormale du sphincter inférieur de l’œsophage.

Il est donc préférable de fractionner son alimentation plutôt que de faire des repas trop copieux, en particulier avant le coucher.

  • Maintenir un poids santé

L’excès pondéral favorise également le reflux en augmentant la pression abdominale.

  • Lutter contre le stress

Le stress favorise le reflux en entravant tous les organes et phases de la digestion.

L’activité physique régulière et toutes les techniques possibles de gestion du stress (massages, méditation, cohérence cardiaque, sophrologie …) s’avèrent donc extrêmement salutaires.

Il est également essentiel d’apporter suffisamment de magnésium, modulateur de tous les stress de l’organisme. Même si on en trouve dans l’alimentation (légumes verts, légumineuses, céréales complètes, noix…), il peut être nécessaire de faire des cures régulières de magnésium en complément.

  • Arrêter le tabac

Le tabac favorise le relâchement du sphincter inférieur de l’œsophage, et affecte la production d’acidité gastrique, favorisant les remontées acides.

Quelques aides au niveau nutrithérapeutique

Désenflammer et cicatriser le système digestif

Le gel d’aloe vera (à boire): pris avant les repas, il contribue naturellement à réduire l’inflammation et à cicatriser l’ensemble du système digestif. Optez pour un gel pur, dépourvu d’aloïne, pour éviter un effet laxatif.

L’astaxanthine: des études ont montré que ce puissant antioxydant réduisait les symptômes du RGO, en particulier chez les personnes atteintes d’une infection à H. pylori.

Le gingembre: des infusions de gingembre, prises avant les repas, ont un effet de protection gastrique, en particulier chez les personnes infectées par H. pylori.

La camomille : une infusion de camomille, prise avant le coucher, soulage l’inflammation de l’estomac et facilite le sommeil.

Faciliter la digestion

Les enzymes digestives: prises en mangeant, elles aident à pallier une production enzymatique endogène insuffisante et facilitent la digestion des aliments.

Augmenter l’acidité gastrique (à éviter en phase d’inflammation aigue ou en cas d’ulcère)

Le vinaigre de cidre (brut, non filtré): lorsque le reflux résulte d’un manque d’acidité gastrique, vous pouvez améliorer nettement votre digestion en consommant une 1 cuillère à soupe de vinaigre de cidre brut dans un verre d’eau pendant le repas.

L’eau de Quinton: par sa teneur en chlorure, elle stimule la production d’acide chlorhydrique dans l’estomac. 

La bétaïne HCL: prise pendant les repas, elle apporte un complément d’acidité gastrique naturel.

Lutter contre la dysbiose et l’hyperperméabilité intestinale et œsophagienne

La glutamine :  Il est démontré que la glutamine traite les dommages gastro-intestinaux causés par H. pylori et aide à lutter contre l’hyperperméabilité du système digestif.

Les probiotiques: pris en complément pendant quelques mois, ils permettent d’accélérer le rééquilibrage du microbiote.

Calmer ponctuellement les symptômes

Le bicarbonate de soude : si nécessaire, les symptômes du reflux acide peuvent être ponctuellement soulagés en buvant un verre d’eau additionné d’une demi à 1 c. à c. de bicarbonate de soude.

Pour conclure

Le RGO est un problème multifactoriel, dont il apparaît clairement que la solution durable ne réside pas dans la prise de médicaments antiacides, mais plutôt dans la restauration d’une fonction digestive normale (sécrétion acide et enzymatique) et de l’équilibre du microbiote intestinal et œsophagien.

Cela passe, en priorité, par des aménagements au niveau de l’alimentation et de l’hygiène de vie, simples et accessibles à tous.

La restauration d’une fonction digestive normale et d’un microbiote équilibré est non seulement importante dans la prévention du RGO, mais également essentielle pour prévenir toute une série d’autres affections et favoriser votre santé à long terme.

Hélène Wacquier

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Sources :

  • Dr Martine Cotinat, « Soignez le reflux naturellement », Thierry Souccar Editions, 2014
  • INAMI, Infospot IPP, oct-nov-dec 2017
  • Dr A D’Oro, La digestion et l’intestin, lanutrition-sante.ch
  • Dr J. Mercola, Comment traiter les brûlures d’estomac en toute sécurité, french.mercola.com