Les risques de diabète pourraient être prévenus en limitant la consommation de sel et en évitant l’ingestion simultanée de sel et de sucre

Près d’ 1 personne sur 20 est aujourd’hui atteinte de diabète de type 2 en Belgique, et ce chiffre pourrait doubler d’ici 2030. Si nous sommes conscients qu’il est important de limiter la consommation de sucre et de pratiquer une activité physique régulière pour prévenir et traiter cette maladie métabolique, nous savons moins qu’il est tout aussi déterminant de limiter notre consommation de sel !

C’est ce qu’ont découvert des chercheurs lillois en 2016 (Université de Lille – Inserm – CHRU de Lille) en observant des patients obèses et diabétiques ayant bénéficié d’un by-pass gastrique. Cette intervention chirurgicale consiste à réduire fortement la taille de l’estomac et à court-circuiter le système digestif en déviant les aliments directement dans la partie moyenne ou basse de l’intestin grêle, évitant ainsi le contact du bol alimentaire avec toute la partie supérieure du tube digestif. Les chercheurs ont constaté que, peu après l’opération, le taux de sucre sanguin (glycémie) de ces patients chutait rapidement avec pour effet d’améliorer et parfois guérir leur diabète avant même qu’ils commencent à perdre du poids.

Face à ce constat déconcertant, les chercheurs ont mené une série d’expériences sur des porcs, dont la physiologie digestive est proche de celle de l’homme, afin de découvrir par quels mécanismes cela était possible. Ils ont découvert que le by-pass repousse le moment où le glucose contenu dans le bol alimentaire entre en contact avec la bile, sécrétion qui a une très forte teneur en sel, et que ce sel est nécessaire à l’absorption du glucose par le système digestif. Plus le by-pass est important, donc la longueur de l’intestin fonctionnel réduite, plus on diminue l’absorption du glucose, laquelle ne s’opère plus que dans la partie basse de l’intestin.

Si, par contre, on ajoute du sel aux aliments ingérés, on restaure l’absorption du glucose dans la partie haute (même réduite) du système digestif, ce qui a pour effet d’augmenter l’absorption totale de glucose et la glycémie. Ces résultats confirment ceux d’une étude israélienne de 2015 qui avaient mis en évidence l’influence de la teneur en sel des repas sur l’élévation de la glycémie chez les individus sains. Lorsqu’il n’y a pas de sel ajouté au repas, l’absorption du glucose est uniquement assurée de manière physiologique par les sels biliaires et les sécrétions digestives riches en sel. Mais plus un repas est riche en sel ajouté, plus la quantité de glucose absorbée et la glycémie augmentent, que ce soit chez les individus sains ou diabétiques.

Ces découvertes ouvrent des perspectives prometteuses dans la prévention et le traitement du diabète de type 2, que ce soit au niveau pharmacologique ou, plus simplement, au niveau des recommandations nutritionnelles. Les risques de diabète pourraient en effet être prévenus en évitant l’ingestion simultanée de sel et de sucre et en limitant la consommation de sel. Car, bien que plusieurs fonctions du corps nécessitent une certaine quantité de sodium, nous en consommons largement plus que nécessaire, en grande partie par le biais des produits transformés de l’industrie agroalimentaire riches en sels cachés.

En 2013, la campagne « Stop le sel » du SPF Santé Publique et une concertation réussie avec l’industrie alimentaire avaient déjà permis une réduction progressive de la teneur en sel de certains produits préparés, dont notamment les charcuteries, le pain, les soupes déshydratées et les fromages, mais ces mesures restent malheureusement très insuffisantes.

Nous pouvons diminuer notre consommation de sel par des mesures simples comme opter pour les produits préparés alléguant une faible teneur en sodium, limiter la consommation d’aliments très salés comme le fromage et les charcuteries, privilégier les préparations maison, remplacer une partie du sel par des épices, des herbes fraîches et des aromates et éviter de mettre la salière à table ou d’ajouter du sel aux aliments sans les avoir goûtés.

Il est important de garder à l’esprit que les aliments sont riches de saveurs intrinsèques et que le sel n’est pas nécessaire pour que la nourriture ait du goût. L’ajout de sel est une question de conditionnement et d’habitude. La rééducation des papilles gustatives peut prendre un certain temps mais, une fois faite, il y a de fortes chances pour que notre palais puisse (re)découvrir et apprécier une palette de saveurs insoupçonnées !

Hélène Wacquier

Télécharger l’article en pdf