Environ 15% des grossesses se soldent par une fausse couche. Si les échecs sporadiques s’expliquent souvent par une anomalie chromosomique, les fausses couches répétées (FCSR) (3 arrêts précoces de grossesse, consécutifs ou non) constituent un phénomène spécifique qui touche 1% des femmes.

Face à des FCSR, un bilan médical complet est réalisé pour détecter les éventuels troubles fonctionnels pouvant bénéficier d’un traitement. Une recherche d’anomalies génétiques (caryotype) chez les 2 parents est éventuellement réalisée.

Malheureusement, ces bilans n’expliquent que 50% des cas de FCSR. Pour le reste, des études récentes montrent l’impact majeur de l’alimentation et de l’hygiène de vie dans le risque de FCSR, notamment par le biais du stress oxydant.

Dérèglements métaboliques et stress oxydant

De nombreux dérèglements métaboliques tels que surpoids, obésité ou diabète ont en commun l’insulinorésistance. Ce traitement défaillant du glucose par nos centrales énergétiques (mitochondries) est favorisé par le manque d’activité physique et l’alimentation moderne, riche en aliments transformés et glucides raffinés et pauvre en micronutriments, fibres et oméga-3.

L’insulinorésistance génère une production accrue de radicaux libres par l’organisme et engendre un terrain pro-inflammatoire et pro-oxydant qui affecte profondément nos fonctions reproductives. Chez la femme, les ovocytes et embryons peuvent être endommagés et le cycle menstruel post-ovulatoire est perturbé, favorisant l’échec de l’implantation embryonnaire en cas de grossesse. Chez l’homme, le risque de fragmentation de l’ADN des spermatozoïdes augmente. Leur concentration et leur mobilité sont également affectées. Le rôle du père dans la survenue des FCS est encore largement sous-estimé aujourd’hui.

Carences en vitamines et micronutriments

Nombre de vitamines, minéraux et oligoéléments favorisent la fonction reproductive, notamment en agissant comme antioxydants. Or l’alimentation moderne comble mal nos besoins. Il est donc recommandé aux futurs parents de supplémenter les éventuelles carences sur base d’un bilan nutritionnel détaillé. Chez la femme, les vitamines du groupe B ont une importance primordiale, en particulier la B9, dans la prévention de malformations fœtales telles que le défaut de fermeture du tube neural. Les vitamines B se trouvent en abondance dans la levure, les abats et la viande, les céréales complètes, les légumineuses et les légumes verts.

Excès de toxiques

La consommation de plus de 80g d’alcool/semaine (75 cl de vin ou 7x25cl de bière) augmente significativement le risque de FCS au premier trimestre par atteinte oxydative du placenta. De même, plus de 300mg de caféine/jour (3-4 expressos) double le risque de FCS en diminuant le flux sanguin placentaire par effet de vasoconstriction. Ces substances favorisent par ailleurs la carence en minéraux et vitamines, en particulier du groupe B.

Pistes supplémentaires

Des études ont également montré une augmentation des taux sanguins d’homocystéine et une diminution significative des taux d’acide folique (B9) chez des femmes ayant fait plus de 4 FCS. Il est donc judicieux d’effectuer un dosage sanguin de ce marqueur.

L’excès d’homocystéine révèle une carence en vitamines B actives (B6, B9, B12 & B2) qui peut provenir soit d’une insuffisance d’apport en vitamines B soit d’une défaillance génétique au niveau de leur activation (environ 15% de la population).

Or les vitamines B actives sont essentielles à la régulation de l’expression des gènes impliqués dans le développement fœtal précoce.

En outre, un taux d’homocystéine excessif génère un stress oxydant susceptible d’affecter le développement placentaire par lésion cardiovasculaire.

Par ailleurs, le risque de FCS est multiplié par 7 chez les femmes atteintes de maladie cœliaque non traitée. Cette intolérance permanente au gluten mène à l’atrophie de la muqueuse intestinale en l’absence d’éviction totale du gluten, entraînant d’importants déficits en vitamines et micronutriments par malabsorption. Face à des FCSR non expliquées, il s’agit donc d’une piste à explorer.

En pratique

Pour prévenir le risque de FCSR, il est essentiel, pour les futurs parents, d’optimiser leur terrain métabolique et de réduire le stress oxydant par une alimentation saine et variée et la pratique d’une activité physique régulière. Outre l’éviction des toxiques (alcool, tabac, caféine), il est recommandé d’adopter une alimentation de type méditerranéen, riche en antioxydants, en fibres et en oméga 3 (légumes et fruits frais, légumineuses, poisson, …) et pauvre en acides gras saturés (beurre, fromages, …) et en sucres et féculents raffinés.

Hélène Wacquier

Source : A. Bennamar et al. Nutrition et fausses couches spontanées : une revue de la littérature. Gynécologie Obstétrique & fertilité 40 (2012) 162-169

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