Marketing numérique et explosion de l’obésité infantile
Selon un rapport de l’OMS publié en mai dernier, les taux de surpoids et d’obésité en Europe atteignent des proportions épidémiques (près de 60% des adultes et 30% des enfants). Aucun des 53 Etats membres n’est sur la voie d’enrayer cette tendance d’ici 2025, en dépit de la politique menée par l’OMS.
Ce constat est alarmant, étant donné que l’obésité augmente le risque d’autres maladies telles que le diabète de type 2, les troubles cardiovasculaires et respiratoires chroniques ainsi que de plusieurs types de cancers. Elle s’est aussi révélée favoriser les formes sévères de coronavirus.
Le surpoids et l’obésité touchent malheureusement les enfants de plus en plus jeunes. L’OMS considère l’obésité infantile comme « l’un des plus graves problèmes de santé publique du 21ème siècle ». En Belgique, 1 enfant sur 5 est concerné par le surpoids, 1 sur 10 par l’obésité, parfois morbide. La malbouffe et la sédentarité apparaissent comme les principaux coupables de cette situation.
Notre société hautement numérisée, qui renforce simultanément ces 2 vecteurs de l’obésité, est fermement pointée du doigt par l’OMS. Le temps croissant passé devant les écrans favorise, non seulement, l’inactivité physique, mais entraîne aussi des effets pervers en termes de malbouffe. Outre l’augmentation du grignotage, elle permet notamment l’exposition des jeunes à de nouvelles formes de marketing de produits alimentaires malsains.
Si les enfants, dès 5 ans, sont capables de distinguer une publicité conventionnelle d’un autre type de programme à la télévision, ils sont totalement démunis face à de nouvelles méthodes marketing volontairement insidieuses et manipulatrices.
Les grandes marques investissent des sommes colossales pour vanter les vertus de leurs produits aux plus jeunes. Elles cherchent à actionner le pouvoir de harcèlement qu’exercent les enfants sur leurs parents pour les pousser à acheter certains produits malsains, tout en les fidélisant en tant que futur consommateur adulte (effet « madeleine de proust »). Elles font tout pour provoquer un choix de produit émotionnel plutôt que rationnel, en touchant les jeunes dans leur identité, leurs émotions, leur besoin d’appartenance à un groupe ou en leur martelant des messages qui sont intégrés de manière inconsciente. C’est particulièrement peu éthique, étant donné que les enfants et adolescents, en pleine construction identitaire, constituent un public éminemment vulnérable et influençable.
L’industrie alimentaire s’en défend et jette l’opprobre sur les parents et leur soi-disant défaut de surveillance et d’autorité à l’égard de leur progéniture. C’est oublier que la rapidité de l’essor des technologies numériques et la multiplicité des nouveaux médias rendent quasiment impossible aux parents, même les plus attentifs, de protéger leurs enfants de l’exposition à ces publicités alimentaires malsaines.
Les canaux se sont multipliés : tablettes et smartphones ont permis à la publicité de s’infiltrer en permanence dans les cartables et poches de nos enfants via les réseaux sociaux, Youtube, les jeux en ligne…. L’omniprésence de la publicité façonne leurs esprits à aspirer à un niveau de consommation élevé, incompatible avec les exigences actuelles de sobriété liées au dérèglement climatique. Le recours de plus en plus fréquent à des influenceurs (Instagrammeurs, youtubeurs…) dans l’univers numérique des enfants ou adolescents est particulièrement pervers, exploitant le lien affectif qui se crée entre l’influenceur et sa communauté. Les marques profitent également des interactions numériques pour récolter gracieusement une foule de données sur le profil des jeunes utilisateurs.
Pour lutter contre ces pratiques commerciales prédatrices, des voix commencent à s’élever au niveau international. Les enfants ont non seulement des besoins en matière de santé, mais également des droits (UNICEF 2019). La publicité alimentaire mériterait d’être abordée sous l’angle des droits de l’enfant, plutôt que comme une simple préoccupation de santé publique.
En Belgique, depuis 2012, le Belgian Pledge réunit, sur base volontaire, une cinquantaine d’entreprises alimentaires qui s’engagent à limiter la publicité vers les enfants de moins de 12 ans pour des produits qui ne répondent pas à des critères nutritionnels stricts, et contrôlés par des organismes indépendants.
Les initiatives et cadres actuels restent malheureusement largement insuffisants pour espérer enrayer l’épidémie d’obésité infantile. De plus, il y a fort à parier que le marketing, souvent peu scrupuleux, gardera toujours une longueur d’avance.
La meilleure stratégie apparaît donc clairement d’éduquer nos têtes blondes à ces problématiques, que ce soit à la maison ou à l’école, afin de renforcer leur discernement et leur esprit critique. Non seulement ils devraient être sensibilisés, dès le plus jeune âge, aux enjeux et principes d’une alimentation saine et équilibrée, mais ils devraient également être formés aux rouages du marketing, afin ne plus être à la merci de stratégies manipulatrices, et devenir peu à peu des consomm’acteurs éclairés.
Dans cette optique, la Mutualité Chrétienne et Ocarina, son mouvement de jeunesse partenaire, se sont associés pour créer “Déballe ta pub ! L’influenceur de ton assiette, c’est toi ! », un outil pédagogique 100% numérique qui vise à aider les enseignants, animateurs et parents à aborder le marketing alimentaire avec les pré-ados (10-12 ans). Ce programme pédagogique est bien ficelé, utilisant les nouveaux canaux et outils numériques, si bien introduits auprès des enfants et ados, au profit de la promotion de la santé et du bien-être.
Pour en savoir plus : https://www.mc.be/la-mc/conseil-aide/infor-sante/deballe-ta-pub
Commentaires récents