Quand manger « sain » devient une obsession
La plupart des personnes sont de plus en plus conscientes des liens entre alimentation et santé. Depuis les nombreux scandales alimentaires, les articles de presse et émissions télévisées foisonnent sur le sujet. On y voit ou entend des informations parfois contradictoires sur ce qui est sain ou potentiellement nocif pour la santé, ce qui laisse certaines personnes démunies, ne sachant plus à quel saint se vouer et se demandant ce qu’on peut encore manger sans crainte aujourd’hui.
Le poisson n’est-il pas systématiquement contaminé par les métaux lourds ? les produits laitiers sont-ils des poisons ? Les fruits et légumes bios le sont-ils vraiment ? Ne faut-il pas éviter le gluten même si on n’y est pas intolérant?
S’il est louable de s’informer et d’essayer de faire les meilleurs choix alimentaires pour sa santé, il arrive, chez certaines personnes, que cela tourne à l’idée fixe. Cette obsession de se nourrir sainement s’appelle l’orthorexie. Elle peut être considérée comme un véritable trouble du comportement alimentaire au même titre que l’anorexie et la boulimie, l’obsession portant ici sur la qualité des aliments plutôt que sur la quantité.
Ce trouble , qui touche environ 3% de la population, concerne surtout des personnes perfectionnistes, anxieuses et désireuses de tout contrôler. Il s’installe progressivement, commençant par un désir des personnes concernées d’améliorer leur état général ou de se prémunir contre une maladie chronique. La frontière est souvent ténue entre le souci d’une alimentation de qualité et la véritable obsession qui caractérise l’orthorexie.
Quand la préoccupation d’une alimentation saine devient une obsession
Les personnes atteintes d’orthorexie n’ont plus de relation naturelle à la nourriture. S’alimenter rime avec anxiété, culpabilité et frustrations. Ces personnes ne se sentent apaisées que lorsqu’elles ont mangé un repas jugé sain selon les critères très restrictifs qu’elles s’imposent.
Cela les amène souvent à renoncer à leurs mets préférés, si elles considèrent qu’ils ne sont pas suffisamment sains. La variété d’aliments consommés diminue progressivement. Des familles entières d’aliments sont parfois écartées de manière irrationnelle. Il s’ensuit des risques de carences pouvant affecter de nombreuses sphères de la santé (déminéralisation, dérèglement du système hormonal, troubles du sommeil…)
Les orthorexiques passent des heures à réfléchir à leur alimentation et à composer des menus à l’avance. Leur obsession d’une nourriture saine devient centrale au détriment du plaisir de manger. Elles finissent par refuser de manger des aliments préparés par d’autres et à fuir les repas familiaux ou entre amis, entraînant un isolement social croissant. Anxiété, dépression, baisse d’estime de soi peuvent s’ensuivre.
Que faire face à ce trouble ?
L’un des premiers pas vers le mieux-être est de prendre conscience du problème. L’important est ensuite de se faire accompagner par un psychologue spécialisé dans les troubles du comportement alimentaire, en association avec un nutritionniste, afin de travailler sur le lâcher prise par rapport à ce désir irrationnel de perfection et de replacer progressivement le plaisir au centre de l’alimentation.
Nul besoin d’avoir une alimentation parfaite pour être en bonne santé. Une alimentation généralement saine, variée et équilibrée, réalisée à partir de produits bruts suffit. Nos corps sont en mesure de gérer des écarts et même une part de malbouffe, pour autant bien sûr qu’ils ne constituent pas la règle.
S’il est judicieux d’être attentif à la qualité de son alimentation, de nombreux autres facteurs entrent en jeu pour une santé optimale et, notamment, la sérénité, le lien social et le plaisir de la table, qui sont fondamentaux mais tellement mis à mal dans l’orthorexie.
Hélène Wacquier
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