La recherche progresse dans le décryptage du microbiote intestinal et dans la compréhension de l’enjeu extraordinaire qu’il représente pour notre santé.
Selon les dernières études, nous abritons près de 40.000 milliards de bactéries, virus et champignons « amis », qui se concentrent au niveau de la peau, de la bouche, du vagin, mais surtout dans l’intestin. En symbiose avec notre organisme, ils exercent des fonctions primordiales, notamment métaboliques (dégradation de substrats non digérés, assimilation de nutriments et sécrétion de vitamines…), immunitaires (maturation des globules blancs) et neurologiques (sécrétion de neurotransmetteurs).
Chaque personne a une identité microbiotique unique qui se forge au cours des premières années de vie et reste ensuite relativement stable. Elle peut cependant subir des modifications en fonction du mode alimentaire, de variations hormonales, de traitements médicaux ou des conditions de l’environnement. L’altération qualitative et/ou quantitative durable de la composition du microbiote (dysbiose intestinale) est l’une des principales causes des maladies métaboliques, inflammatoires et autoimmunes ainsi que de divers troubles neuropsychiatriques. D’où l’idée d’un traitement par transplantation de microbiote fécal. Il consiste à introduire, par lavement ou sonde nasogastrique, les selles d’un donneur sain dans le tube digestif d’un individu malade pour rééquilibrer son microbiote. Si cette perspective n’a rien de glamour, elle apparaît toutefois très prometteuse.
Des perspectives très prometteuses à court ou moyen terme
Le premier recours connu aux selles comme médicament remonte au IVème siècle, en Chine, où un médecin soignait la diarrhée à l’aide d’un bouillon de selles séchées et fermentées.
En 2004, des chercheurs américains ont expérimenté le transfert de microbiote de souris obèses à des souris saines, lesquelles se sont rapidement mises à prendre du poids. Ils ont ainsi conclu que certaines populations de bactéries, surreprésentées dans le microbiote de sujets obèses, sont particulièrement efficaces pour extraire de l’énergie à partir de résidus alimentaires. Par analogie, ils ont pu établir, chez l’homme, le même type de relation entre composition du microbiote et obésité, ouvrant des perspectives encourageantes pour le traitement de cette pathologie.
A l’heure actuelle, La transplantation de microbiote fécal est déjà couramment pratiquée, avec 90% de succès, dans le traitement de diarrhées infectieuses liées au clostridium difficile, une bactérie antibiorésistante.
En 2017, en France, elle a également été testée sur l’homme pour le traitement de maladies inflammatoires de l’intestin telles que la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique. Les premiers résultats sont encourageants même s’ils restent en-deçà des taux de réussite obtenus pour le clostridium.
A terme, des espoirs sont également permis pour le traitement de maladies neurologiques telles que la schizophrénie, l’autisme, la sclérose en plaque, Parkinson et Alzheimer, la recherche ayant montré que certaines combinaisons de bactéries affectent le fonctionnement des cellules nerveuses.
Limites et risques
Bien sûr, la transplantation fécale n’est pas dénuée de risques. Par manque d’études bénéfices/risques suffisamment étayées, elle est actuellement strictement réservée aux cas incurables par les traitements conventionnels. Le principal risque est la transmission d’agents pathogènes des donneurs vers les receveurs. Ceux-ci sont donc sélectionnés de manière très codifiée et soumis à des analyses sanguines et coprologiques préalables. Les selles, considérées par la loi comme un « médicament », sont traitées et préparées sous responsabilité pharmacologique et soumises à une procédure de traçabilité rigoureuse.
Dans un futur proche, grâce aux nouvelles techniques de séquençage haut débit du matériel génétique, chacun pourrait bien avoir sa carte d’identité microbiotique. Elle permettrait de développer des stratégies personnalisées, aussi bien préventives que curatives, dans lesquelles le rééquilibrage du microbiote serait spécifiquement adapté au profil et prédispositions du patient.
Hélène Wacquier
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