Même si vous êtes très soucieux de votre alimentation, croyez-vous échapper aux OGM dans votre alimentation quotidienne ? Lisez ce qui suit…
La technologie OGM est utilisée depuis le milieu des années 70 dans les laboratoires à des fins de recherche fondamentale, notamment, pour le décryptage du génome humain.
Elle est aussi utilisée depuis le début des années 80 dans l’industrie médicale et pharmaceutique pour produire certains médicaments. C’est notamment grâce à cette technologie OGM qu’est produite l’insuline permettant la prise en charge des personnes atteintes de diabète insulino-dépendant.
Dans ces deux domaines, la technologie OGM ne constitue qu’un moyen, qu’un outil pour faire avancer la recherche ou pour produire des protéines. Ce sont ensuite les protéines purifiées qui sont utilisées ou consommées et non les OGM qui ont servi à les produire.
Ce n’est que depuis le début des années 90 que les OGM ont fait leur apparition dans le monde agricole, non plus comme un simple outil, mais comme une fin en soi, soulevant des problématiques nouvelles. Les problématiques posées par les OGM sont en effet totalement différentes selon leur domaine d’application et ne doivent pas être amalgamées.
Qu’entend-on par OGM ?
Un OGM est un organisme vivant (animal, plante, bactérie, champignon…) dont on a modifié, de manière non naturelle, les caractéristiques génétiques initiales.
Il s’agit donc d’une manipulation du vivant. Celle-ci peut s’opérer de différentes manières. On assimile souvent les OGM à la transgénèse, qui concerne la majorité des applications dans le monde agricole, mais la technologie OGM est loin de se résumer à cette seule technique.
Les OGM obtenus par la transgénèse
La transgénèse consiste à prélever un ou plusieurs gènes d’un organisme (bactérie, champignon, plante, animal, …) et de l’insérer dans un autre organisme de façon à ce qu’il acquière et exprime un ou plusieurs caractères nouveaux.
La manipulation du vivant est possible car le langage génétique est universel, c’est-à-dire qu’il est commun à tous les organismes vivants connus à ce jour. Cela signifie que si l’on transfère un gène de n’importe quel organisme à un autre, il est capable de le prendre à son propre compte, de le décoder et d’en exprimer le ou les caractères.
Les plantes pesticides transgéniques
La presque totalité des OGM transgéniques dans le monde agricole sont des plantes dites « pesticides ».
Il s’agit de plantes (maïs, soja, …) qui, par l’introduction de gènes étrangers, sont devenues capables soit de produire par elles-mêmes un ou plusieurs insecticides qui les protègent des ravageurs dont elles sont la cible ; il s’agit des plantes « BT », initiales de la bactérie dont on a isolé et utilisé le gène ; soit de tolérer un ou plusieurs herbicides sans mourir ; ce sont, par exemple, les plantes « RR » pour « Roundup Ready », littéralement « prêtes pour le Roundup » ; soit les deux à la fois.
Certaines plantes pesticides de 4ème génération sont capables de produire jusqu’à 6 Insecticides et de tolérer 2 herbicides.
Le terme « tolérer » a toute son importance car les semenciers présentent leurs plantes de manière abusive comme « résistantes » aux herbicides, ce qui signifierait qu’elles y sont insensibles et ne les absorbent pas. Mais c’est tout faux ! Ces plantes sont simplement capables d’absorber de grandes quantités d’herbicide sans y succomber.
Qu’elles produisent elles-mêmes un ou plusieurs herbicides ou tolèrent un ou plusieurs insecticides, le résultat est le même : ces plantes OGM sont gavées de pesticides, lesquels se retrouvent immanquablement dans la chaîne alimentaire et dans notre assiette, par le biais des animaux que nous mangeons, qui ont été nourris avec ces plantes (essentiellement du tourteau de soja OGM du continent américain).
En effet, si les plantes OGM transgéniques doivent être étiquetées comme telles pour être mises sur le marché des aliments pour animaux d’élevage, les éleveurs ne sont pas tenus de signaler au consommateur final que leurs bêtes ont été nourries à base d’aliments OGM.
Voici donc une première voie d’entrée possible d’OGM clandestins dans nos assiettes !
La réglementation européenne sur les plantes pesticides transgéniques
Les plantes pesticides sont soumises à une réglementation européenne et à une évaluation sanitaire et environnementale qui a le mérite d’exister mais apparaît bien insuffisante.
En effet, ces plantes sont évaluées comme OGM transgéniques mais ne le sont pas en tant que pesticides. Or, la moindre des choses serait que les plantes qui produisent elles-mêmes des pesticides ou qui en sont gavées soient aussi évaluées comme des pesticides. Or ces deux aspects sont gérés par 2 directives européennes différentes.
Si la directive européenne concernant les pesticides exige que le principe actif ait fait l’objet d’études toxicologiques sur plusieurs espèces animales sur une période de 2 ans, la directive relative aux OGM est nettement moins contraignante. Elle ne prévoit de tests toxicologiques que sur une seule espèce animale sur une période de 3 mois, et ce, uniquement si les agences sanitaires (l’EFSA au niveau européen) estiment que cela est nécessaire! L’évaluation est donc laissée au bon vouloir des agences sanitaires.
Or, les pesticides concernés, dont le fameux glyphosate, sont le plus souvent des perturbateurs endocriniens, qui ne répondent pas à la toxicologie classique et dont les effets sur les voies hormonales sexuelles ne peuvent être mesurés que sur le long terme, grâce à des études toxicologiques bien suivies. Autrement dit, en 3 mois, il est impossible de juger des effets chroniques éventuels de la consommation d’OGM.
Le fait que les Américains consomment des OGM depuis une vingtaine d’années ne prouve rien sur leur innocuité car le continent américain ne sépare pas les filières OGM des filières traditionnelles. On ne peut déterminer qui en a mangé et en quelle quantité et il est donc impossible d’établir une corrélation entre leur consommation et leurs effets.
Les plantes pesticides transgéniques se retrouvent donc de manière clandestine dans nos assiettes par les produits animaux que nous absorbons, sans que leurs effets possiblement délétères pour la santé aient été sérieusement évalués sur les moyen et long termes. Mais le tableau ne s’arrête pas là ! D’autres techniques de manipulation génétique telles que la mutagénèse et d’autres technologies émergentes sont susceptibles de nous amener des OGM dans l’assiette de manière beaucoup plus directe!
Les OGM obtenus par mutagénèse
Cette technique consiste à soumettre des organismes vivants (ex : des graines de plantes) à des rayonnements ionisants ou à des agents chimiques pour provoquer des mutations au niveau de leurs gènes et donc modifier leur formulation et leur conférer de nouvelles propriétés (par exemple, une tolérance à un ou plusieurs herbicides). Dans ce cas, on n’introduit pas de gène étranger dans l’organisme modifié. A ce jour, cette technique s’applique principalement au colza et au tournesol.
Or, si la mutagénèse est reconnue par la directive européenne comme menant à des OGM sur le plan technique, elle n’est pas considérée comme menant à des OGM sur le plan juridique. Les plantes mutées sont considérées comme des plantes conventionnelles et échappent au champ d’application de la directive européenne sur les OGM. Les promoteurs de ces plantes mutées ne sont actuellement tenus à aucune évaluation sanitaire ou environnementale. Celles-ci peuvent donc être cultivées sans autorisation préalable. Elles le sont d’ailleurs à grande échelle en France.
Les OGM mutés, tout aussi gavés de pesticides que les OGM transgéniques, constituent donc une deuxième source importante d’OGM clandestins dans nos assiettes, échappant à toute réglementation!
Les nouveaux OGM
Il existe encore plus d’une dizaine de techniques menant à des OGM et de nombreuses autres sont appelées à se développer dans les années à venir. Il n’existe pas encore d’application concrète pour le monde agricole en Europe (contrairement aux Etats-Unis et au Canada) et, par conséquent, encore aucune réglementation européenne à leur sujet.
Ces techniques d’intervention sur le vivant sont présentées par leurs promoteurs comme beaucoup plus précises et « chirurgicales » que la transgénèse et la mutagénèse. De ce fait, il existe un très puissant lobbying de la part des semenciers pour que les futures plantes obtenues par ces techniques ne soient pas considérées comme des OGM, mais comme des plantes conventionnelles, ce qui signifie qu’elles échapperaient à toute législation et à toute obligation d’évaluation au niveau sanitaire et environnemental. Cela conduirait alors à une généralisation des OGM clandestins.
Présenter les techniques de manipulation génétique comme précises ou chirurgicales repose sur une vision bien simpliste du vivant.
Lorsque l’on pratique la transgénèse, en insérant un gène étranger dans un organisme, on ne maîtrise pas l’endroit où il va se placer dans le chromosome, ni en combien d’exemplaires. L’expression d’autres caractères propres à la plante peut évidemment s’en trouver modifiée.
Lorsque l’on pratique la mutagénèse, le résultat est totalement aléatoire. Les graines sont exposées à des rayonnements mutagènes puissants. On obtient certes un nouveau caractère, tel qu’une tolérance aux herbicides, mais de nombreuses autres mutations «aléatoires » sont intervenues dans le même temps. Quid de ces mutations collatérales ? La qualité nutritive de la plante est-elle toujours intacte ? N’est-il pas légitime de craindre des conséquences au niveau de la chaîne alimentaire ? Mais ces effets possibles ne sont pas évalués et passent totalement à la trappe, les plantes mutées étant considérées comme des plantes conventionnelles sur le plan juridique.
Etant donné la complexité des organismes et de leur interaction avec l’environnement, les nouvelles techniques OGM dites « ciblées » ou « chirurgicales », resteront tout aussi imprécises que les précédentes. Une législation et une évaluation sanitaire et environnementale sur le long terme restent donc tout aussi indispensables en regard du principe de précaution !
Le concept du gène « tout puissant » en toile de fond
Toutes ces techniques OGM appliquées au monde agricole reposent sur une vision simpliste du vivant : une vision du gène tout puissant selon laquelle l’ADN, chef d’orchestre absolu, détermine l’être et le devenir des organismes vivants.
Or, au regard de l’avancée des recherches en épigénétique, le concept du gène tout-puissant est en train de devenir totalement obsolète ! Le vivant est bien plus complexe que la seule partition de l’ADN. Un gène n’est pas égal à un caractère, mais à une large panoplie de caractères qui, en outre, peuvent s’exprimer ou ne pas s’exprimer en fonction des conditions environnementales auxquelles ils sont soumis.
Cette vision simpliste du vivant, basée sur l’ADN tout puissant, peut engendrer de sérieuses dérives.
Les labos des entreprises semencières, lorsqu’ils ont modifié le code génétique d’une plante, protègent le fruit de leurs manipulations en déposant des brevets et se prétendent, par ce biais, propriétaires de ces nouvelles semences, voire de ces nouvelles plantes.
Il est légitime de se demander de quel droit on peut déposer des brevets ou devenir propriétaire du vivant, au motif qu’on y a apporté une ou plusieurs modifications génétiques !
Sous prétexte d’apporter la solution pour nourrir la planète, les entreprises semencières sont en train de s’approprier le vivant et de placer l’ensemble des agriculteurs et de la population sous leur tutelle, aux dépens du bon sens et des pratiques ancestrales de l’agriculture (connaissance et amendement des sols, sélection des meilleures graines pour l’année suivante, associations de cultures, etc.).
La situation des OGM en Europe et en Belgique
Jusqu’à présent, une seule variété de maïs OGM est cultivée à des fins commerciales en Europe et celle-ci concerne heureusement moins de 1% des surfaces agricoles cultivées, ceci grâce à la mobilisation massive de certains citoyens, faucheurs volontaires, scientifiques et politiques.
Plus récemment, grâce à la mobilisation citoyenne en France connue sous le nom « d’Appel de Poitiers du 24 juin 2012 », la cour de justice européenne a été interpellée au sujet des plantes mutées qui, au mépris du principe de précaution, échappent actuellement à toute réglementation. Grâce à ce mouvement, elles seront peut-être bientôt considérées comme des OGM sur le plan juridique. La procédure suit son cours.
Depuis mars 2015, la législation européenne autorise la culture d’OGM tout en laissant le libre choix aux Etats membres de refuser la culture d’OGM sur leur territoire. Dans ce cadre, la Wallonie s’est positionnée comme « territoire sans OGM » tandis qu’en Flandre, deux essais de culture d’OGM en champ à des fins de recherche scientifique sont en cours. Toutefois, à ce jour, aucune culture d’OGM à des fins commerciales n’a eu lieu en Belgique.
Par contre, en vertu du principe de libre circulation des marchandises, les états membres n’ont pas le droit d’interdire l’importation et la commercialisation de la soixantaine d’OGM actuellement autorisés au niveau européen, lesquels se retrouvent principalement dans l’alimentation des animaux d’élevage.
En terme de traçabilité, depuis 2004, tous les OGM et produits dérivés des OGM destinés à l’alimentation humaine et animale en Europe doivent être étiquetés comme tels. Par contre, la législation ne concerne pas les produits élaborés à partir d’animaux nourris avec des OGM. Nous sommes donc susceptibles de retrouver, dans nos assiettes, de la viande et des produits dérivés (lait, œufs, …) d’animaux qui ont été nourris aux OGM, sans qu’il y ait obligation des producteurs de le signaler, celle-ci étant considérée comme équivalente à la viande issue d’animaux qui n’en ont pas consommé. Quid des résidus de pesticides ?
Que faire pour retrouver le moins possible d’OGM dans votre assiette?
Informez-vous !
Suivez de près l’actualité des OGM et parlez-en à votre entourage !
Faites des choix de « consomm’acteur » !
En tant que citoyen et consommateur, faites des choix responsables lors de vos achats :
- Privilégiez les aliments certifiés biologiques ainsi que certains issus de l’agriculture équitable, en particulier pour le colza, le maïs et le soja. Cela vous permettra d’accumuler moins de poisons dans le corps ! Il est bon de savoir qu’il existe des labels qui garantissent que les produits vendus proviennent d’animaux qui n’ont été ni nourris, ni soignés avec des OGM (Demeter, Nature & Progrès, Bio Cohérence).
- Cuisinez le plus possible à partir de produits bruts, locaux et de saison et limitez votre consommation de viande! La plupart des produits industriels transformés contiennent des OGM cachés.
Mobilisez-vous !
Soutenez les groupes qui s’opposent aux OGM et vous proposent des alternatives ! Face au puissant lobby des grandes entreprises semencières, c’est maintenant qu’il faut batailler pour que les nouveaux OGM soient bien reconnus comme tels et soient bien soumis à une législation européenne et à une évaluation sanitaire et environnementale, sous peine de voir se généraliser les OGM cachés !
En tant que citoyens et consommateurs, nous pouvons peser dans la balance ! A nous de jouer !
Sources :
- Christian Vélot, OGM, plantes mutées, agissez pour vous protéger!, Conférence donnée dans le cadre du 2ème Congrès International de Santé Naturelle de l’IPSN, Paris, 1 et 2 octobre 2016.
- Christian Vélot, OGM : un choix de société, Edition de l’Aube, août 2013, 134 p.
- Ecoconso – Qui veut des OGM ? Dossier n°119 disponible sur http://www.ecoconso.be/fr/content/qui-veut-des-ogm-organismes-genetiquement-modifies [mise à jour : 11/2015].
- SPF Santé Publique – OGM autorisés, Dossier disponible sur http://www.health.belgium.be [mise à jour : 04/2016]
- http://www.agirpourlenvironnement.org/blog/appel-de-poitiers-pour-sauver-la-biodiversite-24-juin-2012-3464
- https://www.infogm.org/5790-ogm-vrth-plantes-tolerant-les-herbicides-devant-conseil-d-etat?lang=fr
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